Il y a poésie

Mise en page 1Auteur
Mathias Lair
Collection « 120° »
166 pages, 14 x 17 cm / juin 2016
ISBN : 978-2-917751-69-5 / 17 euros

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Présentation du livre

Mathias Lair cherche une voie à la poésie aujourd’hui. Il le fait abruptement, avec humeur. Sans doute est-ce dû à la forme de ce livre, courts textes qui étaient à l’origine des chroniques écrites pour la revue Décharge, privilégiant souvent les formules lapidaires, non dénuées d’humour, ici regroupées suivant un ordre plus logique que chronologique. Et sa méthode (si ce mot peut correspondre) est simple : prenons une idée qui prévaut par son évidence et décortiquons-la. Qu’en reste-t-il ? Comme une compromission à l’air du temps, à un moment contemporain qui se confond avec le libéralisme… à ce temps d’aujourd’hui, si dépourvu des quelques repères nécessaires à reconnaître que poésie, il y a. Car Mathias Lair ne raisonne pas la poésie en vase clos, il n’éloigne pas ce qui se fait (ou pas) en poésie avec ce qui se passe dans l’art (notamment plastique) ou avec l’état désastreux de notre société.
L’auteur recherche donc ce qui peut faire poésie, à « l’étroit », entre ce qui serait un retour au moderne (mais mieux vaut sûrement cela, même s’il ne s’agit que de continuer « à susurrer, dans la nostalgie des bouts rimés »…) et une illusion contemporaine où règne l’éphémère, où n’existe plus que l’expérience d’un moment sans poème…


« De l’air
Certes, pour Lair “il y a la poésie” : mais pas n’importe laquelle. L’ancien responsable de la regrettée revue Mot pour Mot multiplie dans son livre ses bulletins d’humour et d’humeur avec le genre qu’il chérit. Le but n’est pas de construire un logos discursif mais de mettre en évidence certains “incestes” qu’elle doit subir.
Le premier – et non des moindres – : celui de l’idéalisme. Sous prétexte de la supposée illumination de ceux qui se prennent pour ses gourous (et parfois ses lacangourous), elle se réduit à une théosophie de plus.
Quant au présumé poète, il reste plus qu’à son tour un psychotique. Comme tout être atteint par cette maladie, il ne souffre pas de ne pas être né, mais de n’avoir pas été “identifié” par sa génitrice pendant sa grossesse. L’objectif sera de faire savoir à la terre entière son état d’inséparation. Mais là où ça se gâte, c’est que n’est pas Artaud qui veut.
Lair multiplie ainsi des vaticinations moins farcesques qu’il n’y paraît. Il rappelle combien chez les poètes rôde un totalitarisme stalinien. Chacun d’eux est, à ses yeux, le seul à bien écrire et à dire “La” vérité : c’est ce qu’on peut reprocher à des poètes pourtant intéressants du type de Jacques Sojcher. Ce besoin de toute-puissance, rappelle Lair, “puise à nos racines les plus infantiles”. Et il est bon de le rappeler. À bon entendeur, salut ! »
Jean-Paul Gavard-Perret, Lelittéraire.com, 20 juin 2016

« Hygiène du poème

Mathias Lair rappelle – entre autres – combien sous “le fumet de la poésie” se cache “l’odeur infecte de la restriction morale”. Le genre est donc souvent un pare-fumet. Il refuse aussi à faire respirer le vivant au nom de nostalgie et autres plaisanteries du même acabit. Sa syntaxe et son “caveaubulaire” (Prigent) ne sont qu’une peau, un écran, une impasse.
L’auteur s’insurge contre des jeux de surface où la cécité fait masse. Le genre reste pris dans les “idéaux religieux du surgénérateur phallique”. Peu à peu cette proposition est remplacée parfois par son parfait contraire (“ce qui reliait, faisait religion, évanoui dans la fumée des bûchers et des crématoires”) : il est aussi inopérant.
Le souci impérieux de la recherche d’une image la plus sourde ne doit pas se confondre avec la fausse simplicité d’un brave désir de fraternité sous prétexte de partage. La démarche de la “vraie” simplicité est d’un autre ordre. Ce que Mallarmé nomma “la crise de vers” est le moyen, loin des vieux plumages, d’atteindre non la chose mais la “choséïté” (Beckett).
Mathias Lair s’élève donc contre la propension à voir des poètes partout et à considérer la poésie comme une excrétion nécessaire. Trop de pseudo-poètes ne proposent que l’examen de leurs selles. Il rappelle que la poésie n’est pas un égout de la langue et qu’un poème est vrai lorsqu’il se dégage des gaines de sécurité verbale pour oser le haut voltage : le sens secoue là où les mots comme chez Beckett osent le quasi-silence pour se faire entendre. »
Jean-Paul Gavard-Perret, Les blogs de l’art helvétique contemporain, 21 juin 2016

« C’est une reprise, réaménagée, de sa chronique tenue ici même depuis le n° 122 (juin 2004). Une douzaine d’années, et plus d’une quarantaine d’articles.
Il y a poésie de Mathias Lair, c’est chaque fois une autre façon d’interroger la poésie. On n’est pas toujours d’accord, il arrive même qu’on ne comprenne pas tout, mais une chose est sûre, ses pages sont toujours à part dans le numéro et ne laissent pas indifférent. Les lecteurs curieux sont piqués au vif, questionnent ou réagissent. Il a le don de les emmener dans le domaine des idées, des concepts et de les faire brasser des données abstraites qui ouvrent à des contrées inédites et ainsi bousculent ou renversent des points de vue tout faits. Mathias Lair, dès qu’il prend la plume fait bouger les lignes dans la tête. Il a regroupé son livre autour de cinq thèmes. Mais la première page qui était sa chronique initiale pose bien le sujet : “Il y a poésie dès qu’il y a écriture.” Et il ajoute plus bas : “dès que l’on sort du bavardage et de la communication”… Le champ est vaste et il est d’autant mieux investi avec ces pastilles de réflexion que la revue régulière le pousse à prolonger et approfondir sa pensée, d’une fois sur l’autre. Tant et si bien que ce livre récapitulatif permet de faire le bilan de ces années de recherche. On retrouve toutes les strates de l’écrivain qu’il est : l’auteur qui livre une page de son enfance, le psychanalyste avec le corps du poète et la fameuse phase intra-utérine, le poète, bien sûr, qui écrit avec des slashs cadencés et surtout l’essayiste à tous les étages. Il sait classer et inventer de nouvelles typologies. Extase (poésie lyrique) contre instase (“poésie du désert”) ; il explicite ainsi celle-ci : “Elle tient en elle-même, dénuée de toute emphase, elle est le vide tranquille du réel”… Ou bien réalisme contre nominalisme. Et l’on sent bien ses partis-pris : contre “la poésie poétique”, par exemple : “L’innocence lyrique n’est plus possible.” Il met à mal dès qu’il le peut tout ce qui touche au religieux ou au mystique. On peut facilement tirer de ses articles des phrases percutantes comme des aphorismes : “… l’idée ne fait pas un poème, mais un discours”. Ou bien : “Le rythme, c’est le poème.” Bien des réflexions sont objectivement justes et révélées par son discours sinueux et subtil. Ainsi sur la performance ou la lecture publique. Beaucoup sont nourries de citations ou trouvent leur origine dans la lecture de poètes, écrivains ou philosophes. Cette phrase pour finir : “On ne s’étonnera donc pas du caractère énigmatique que l’on reproche parfois au poème, puisque sa visée est de dire le mystère de l’évidence éprouvée.” Mathias Lair défriche, sans trêve ; son livre est une somme, dont on mesure soudain l’ampleur, et sa chronique, ici même, a naturellement encore de beaux jours devant elle. »

Jacques Morin, Décharge, n° 171, septembre 2016

« La force affirmative du titre, et son présent, donnent de l’élan et rassurent : aucune disparition programmée, aucun déclinisme en vue. Il en irait tout autrement avec un “Il y avait poésie” ou même “Y-a-t-il poésie ?” Il y a, donc, poésie. Mais laquelle, où ? C’est l’enjeu de cet essai ; il reprend des chroniques que les lecteurs de la revue
Décharge connaissent bien, mais avec un travail d’organisation et de “correction” sur lequel l’auteur s’explique avec humour page 149. Il ne s’agit donc pas d’un essai classique, construit massivement selon les règles de l’art (si elles existent), mais de la réflexion facettée d’un poète sur la poésie aujourd’hui : ce qu’elle peut, ce qu’elle pourrait, ou ne peut pas, ne peut plus. Cinq chapitres de longueur variable mais qui restent tous sur un ton général : l’auteur n’étudie pas sa propre pratique, il ne se réfère pas à ses livres, même si par deux fois il bascule de la prose au vers (pp. 25 et 120). Le but est donc de faire un état des lieux, de considérer l’époque et la poésie (les poésies ?) qui la traverse pour dégager une vision personnelle, sans pour autant prétendre devenir porte-drapeau d’une avant-garde de plus ou grand prêtre d’une nouvelle chapelle. […]

 »
Antoine Emaz, Poezibao, vendredi 20 octobre 2017