Le capital sympathie des papillons

Mise en page 1Auteure
Nadia Porcar
Collection « singuliers pluriel »
Récit
116 pages, 12 x 15 cm
Parution : octobre 2017
ISBN : 978-2-917751-85-5 / Prix : 16 euros
Publié avec le soutien de la région Bretagne

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Présentation du livre
Tout entier placé sous le signe du papillon, cette suite de courts textes formant récit est construite comme un palindrome : une première salve de textes, un corps central, puis une autre série de textes, miroir inversé de la première. Cependant, certains des titres des « deux ailes » du papillon présentent de légères différences, comme un jeu de piste : « Avatar / Avatars », « Il y a ce mot / Il y a un mot », « Dieu existe, il est blonde et il a les yeux verts / Dieu existe, il est rousse et il parle anglais »… ou encore : « Chou blanc / Chips » !
Mais ce dispositif ingénieux et ludique ne masque en rien la force du propos de l’auteure : rendre avec un langage familier les traces vives d’une époque et de tous les moments de vie qui fabriquent une enfance (malmenée). Quelque part entre Montreuil, Croix-de-Chavaux, et Paris, boulevard Saint-Marcel, gravitent les personnages qui entourent la petite fille, alias l’oiseau : Nora, Aïsha, Nounou, tonton Georges, tata Mireille, le Loume… et Mer – « les noms, les noms ! ».
Tous ces « ploucs » –, qui parlent fort, font parfois voler les assiettes et se délectent de ce que l’on pourrait appeler leur folklore familial, évoluent dans le décor typique des années 1970 : la cité, « bâtiment-légo », le bac à sable, le bar-tabac PMU, les gitanes maïs, les meubles en formica, le mange-disque orange, la grenadine, le sirop à la banane – « l’universelle panacée » –, les chansons populaires…
Fausse piste : tout ceci n’est qu’un décor et pas seulement la chronique d’une époque. Et même si les « mots n’ont pas l’air de se rendre compte du sens qu’ils véhiculent », on devine, entre les lignes, puis révélé au centre du récit, le drame vécu par cette petite fille. Mais il y a la vie, les mots, les livres, les oiseaux… et les papillons. « J’ai choisi / j’ai choisi, va / ne t’inquiète pas pour moi. »


« Certaines expressions font froid dans le dos. On voudrait entendre “capital sympathique” quand il s’agit bien de lire “capital sympathie”, soit un concept de marketing qui, appliqué à une marque ou à une organisation, fait référence au fait que les consommateurs ou les clients puissent avoir un penchant naturel ou une prédisposition favorable à l’égard de cette enseigne sous forme d’un véritable sentiment de sympathie. Il paraît que ce capital peut favoriser la transformation et la propension à l’achat, la préférence, la fidélisation, une moindre sensibilité au prix, la recommandation… Cette notion est distincte de la notoriété. Amazon aurait un faible capital au regard de son succès alors que La Vache qui rit bénéficierait de la part d’une majorité de consommateurs d’un fort capital sympathie. 


Qui aime qui ? Qui achète qui ? Qui est sensibilisé à qui ? Qui est recommandé par qui, et pourquoi, et dans quelles circonstances ? Et les papillons dans tout ça ? Il y a d’abord l’insecte à quatre ailes couvertes de fines écailles colorées, soit cet “azuré du serpolet” qui apparaît à la fin du livre de Nadia Porcar. Il s’agit d’un petit papillon au dessus bleu intense taché de noir dont l’existence est menacée. Ce dernier est inscrit sur la liste rouge des insectes de France métropolitaine. Mais il y a aussi une personne qui, se laissant tromper par des apparences brillantes, est près de tomber dans un piège. La petite fille qui dit “je” s’est brûlée à la chandelle comme un papillon, le temps de la menace n’a même pas existé, le crime n’a pas même été annoncé. […] »
Anne Malaprade, Poezibao, 6 décembre 2017

« Il y a des gens qui sont discrets et d’autres qui sont réservés et parfois les réservés, comme ils ne posent pas beaucoup de questions, ne sont pas au courant de ce que font les discrets, qui ne s’en vantent pas. Et parfois ça donne lieu à de belles surprises, comme ce livre,
Le capital sympathie des papillons, écrit par Nadia Porcar et publié aux éditions Isabelle Sauvage. (Les éditions Isabelle Sauvage, c’est bien !) C’est un récit qui est en même temps un portrait, celui d’une petite fille tantôt appelée “je”, tantôt appelée “l’oiseau”. Un portrait composé de tout petits tableaux disposés en palindrome, peut-être même qu’on peut les relire à l’envers après les avoir lus à l’endroit, ce sera forcément un peu différent, ce sera forcément un peu différent parce qu’on aura déjà senti la chose horrible qui est racontée, non, qui est simplement dite, au milieu, mais si discrètement, si discrètement que moi je ne veux pas vous en dire plus, sinon que c’est un livre qui fait aimer l’oiseau et l’Est parisien des années soixante-dix, et qui doucement vous émeut. »
Philippe Annocque, Hublots, 12 décembre 2017

« Tous ceux qui s’y sont essayés le savent, il n’y a rien de plus difficile que de rendre le langage parlé, c’est une construction à part entière, une création, une récréation, jamais une transcription littérale. Rien de plus difficile non plus que d’explorer le territoire de l’enfance, sans l’affadir ni l’idolâtrer. Or, la magie du
Capital sympathie des papillons, ensemble de textes brefs, très composés, très simples, tient précisément dans la justesse de tous ces rendus. Les gens, les liens, les lieux sont évoqués avec une acuité débarrassée de toute pré-vision. Comme si l’auteure, sans rien oublier de sa culture d’adulte, se remettait à niveau, au niveau de ses 8 ans, pour dire quand même ce qui ne peut pas l’être, et pour nous rappeler que la naïveté n’est pas un tapis de roses ou une vague disposition à la bienveillance, mais une crudité, une façon d’être jeté(e) dans le monde, foncièrement désarmé(e) certes, sans préjugés, sans expérience, et qu’il y a néanmoins dans cette exposition, cette fragilité, une force irréductible et sauvage. »

Céline Minard, « Dire ce qui ne peut l’être », Le Monde des livres, vendredi 16 mars 2018